LE JUGEMENT DES FLECHES / de Samuel Fuller (1957)
Après la défaite des Sudistes, O’Meara (Rod Steiger) décide d’aller vivre parmi les Sioux et se marie avec une Indienne, Mocassin jaune (Sara Montiel). Il sera arrêté comme traître et pendu
9 avril 1865, dernier jour de la guerre de Sécession, le Sudiste O’Meara est le dernier à tirer sur un Nordiste : sur le lieutenant Driscoll, qui, blessé et transporté par O’Meara à l’hôpital. O’Meara refuse de vivre parmi ses ennemis d’hier et décide de rejoindre les territoires des Sioux, seule tribu qui poursuit le combat contre les Yankees. Capturé par eux avec son ami Vaillant coyote, un Indien, il est soumis, comme ce dernier à une épreuve initiatique, « la course des flèches », au cours de laquelle Vaillant coyote meurt d’une crise cardiaque. O’Meara s’en sort malgré tout et est soigné par la jolie Mocassin jaune, puis admis à vivre parmi les Sioux, bien qu’il refuse leur religion, préférant rester Chrétien. Il épouse Mocassin
Et avec Brian Keith, Ralph Meeker, Charles Bronson, Jay C. Flippen, Olive Carey, Tim McCoy, Neyle Morrow
Les intellectuels cinéphiles ont considéré ce western comme l’un des premiers annonçant l’ère moderne, en montrant un héros individualiste et rebelle jusqu’au bout, il fut encensé par les critiques français à sa sortie. Après la bataille d’Appomatox, où le général Lee capitula, un Sudiste refuse de vivre dans la nouvelle société fondée par l’Union, fuit les Américains et part vivre avec les Sioux, épousant l’une des leurs. Quand la cavalerie US va attaquer les Indiens, il va devoir se retrouver écartelé entre sa nouvelle tribu et son monde d’origine… contre les siens. Extraordinaire reconstitution des combats entre troupes yankees et Indiens, mais c’est la psychologie qui prévaut dans l’ensemble du film
Le ton du film est direct, nerveux, comme un Robert Aldrich, percutant et original comme un Arthur Penn, il ressemble parfois à un documentaire, et comporte des scènes très violentes pour l’époque, la séquence d’ouverture où le Nordiste est tué donnant le ton : Fuller montre une évidente volonté de réalisme, ne tombe jamais dans la piège de l’émotion, ni dans celui du jugement (le héros est un Sudiste) pour décrire la complexité de l’être autour duquel est articulé le récit, complexité liée à la violence des événements qui secouent l’Amérique à cette époque : le personnage principal inscrit son combat et son choix de vie à la fois dans son amour de la liberté et son désir de résistance contre ses anciens ennemis. Ce désir et cet amour sont intrinsèquement liés et nourrissent son action, mais au moment précis du combat, il va être torturé par un dilemme moral.
Comme dans ses autres westerns, Fuller brosse le portrait d’un homme fort, implacable, parfois cynique, en décalage complet avec son temps et l’ Histoire de son pays, et souvent aussi dans une situation de traîtrise ou de rebellion contre la société, nageant à contre-courant : que ce soit le bandit de I shot Jesse James (1948), ou Bonnell dans Forty Guns (1957). Et comme dans ses films de guerre, pour apporter une touche de romantisme, le cinéaste narre une intrigue sentimentale sur fond de combats. Dans la peau d’une Indienne, Sara Montiel est d’une sensualité explosive. Le film employa beaucoup d’Indiens dans les figurants -ce qui accentue le réalisme de l’histoire-, mais ils étaient apeurés pendant le tournage et ne faisaient confiance qu’à Sara Montiel, qui jouait la « médiatrice » entre eux et l’équipe technique. Si on compte plusieurs Indiens dans la figuration, les principaux personnages de Sioux sont néanmoins joués par des Américains, et parfois le casting laisse à désirer, comme Jay C. Flippen en Indien, Charles Bronson ou Frank DeKova (dans le rôle de Red Cloud) sont plus crédibles.
Le film traite aussi de l’acculturation, et ce personnage de Blanc allant vivre chez les Indiens et avec leurs rites n’est pas sans rappeler deux autres fameux westerns de l’ére moderne : la trilogie d’Un homme nommé cheval, et Danse avec les loups.
A noter que c’est le 5e western de Charles Bronson, et le premier dans lequel il joue un Indien sympathique, contrairement au traitre Hondo de Bronco Apache (1954) ou au belliqueux Captain Jack de L’aigle solitaire (54). Dans les années 1960-70, Bronson incarnera à nouveau des Indiens plutôt positifs, hormis dans La bataille de San Sebastian, où il campera le féroce pillard Teclo.
Bronson et Rod Steiger avaient déjà été réunis dans un western, en 1956, L’homme de nulle part.
Article de Didier Givannel – novembre 2015 –


R. Steiger et Sara Montiel sur le tournage
ROD STEIGER (14-4-1925/9-7-2002)
Comme Eli Wallach, un des plus fameux élèves de l’Actor’s studio, il commence à travailler pour la télévision puis est révélé par SUR LES QUAIS en 1954 avec Marlon Brando.
Il a interprété au cinéma des personnages aussi différents que Napoléon ou W.C. Fields, et obtenu un Oscar pour son personnage du flic blasé de DANS LA CHALEUR DE LA NUIT de Norman Jewison en 1967. En 1958, il est dans une composition saisissante Al Capone, rôle qu’il a hésité à tenir.
En 1968, il campe un étonnant tueur en série de vieilles dames, adepte des déguisements, qui cible l’amoureuse (Lee Remick) du policier enquêtant sur lui dans LE REFROIDISSEUR DE DAMES, performance étonnante, et aussi brillante que furent celles de Tony Curtis dans L’ETRANGLEUR DE BOSTON ou d’Anthony Perkins dans PSYCHOSE.
Dans les années 70, Steiger préfère se tourner vers le cinéma indépendant et européen, avec des oeuvres comme LUCKY LUCIANO en 1973.
Quelques bons westerns aussi à son actif, le musical Oklahoma ! en 1955, L’Homme de nulle part (1956) de Delmer Daves, Le jugement des flèches (1957) de Samuel Fuller, l’histoire d’un confédéré qui refuse de vivre dans la nouvelle Amérique de l’Union et va vivre dans une tribu de Sioux… Il était une fois la Révolution, en 1971, il a le rôle principal… Bill Doolin le hors-la-loi (1981)… Et L’honneur de la cavalerie (1995) avec Don Johnson.
On entend sa voix dans le docu télévisé Lincoln (1992).

Rod Steiger par Tom-Heyburn
LE REFROIDISSEUR DE DAMES (1968)
LUCKY LUCIANO (1973)
Le refroidisseur de dames, un superbe thriller :

Al Capone by didgiv