Français de Jean-Pierre Melville (1962) ***
Le bandit Faugel sort de prison. Il tue Vanovre, un faux receleur, et vole son butin. Il prépare un cambriolage dans une villa avec son ami Silien. Mais Silien est un indic…
Avec Jean-Paul Belmondo, Serge Reggiani, Fabienne Dali, Jean Desailly, Monique Hennessy, Michel Piccoli…
Polar concis et à la forme narrative originale, LE DOULOS montre la fascination de Melville pour le milieu des truands et des flics, deux milieux aux frontières floues comme il le montre dans son film. Un des premiers grands rôles de Belmondo, après A BOUT DE SOUFFLE, sympathique canaille ayant le sens de l’honneur et de l’amitié… sens qui peut aller jusqu’à tuer une femme si elle n’a pas respecté certaines règles du « jeu ». Son personnage ressemble parfois à celui de Michel Poiccard, le voyou de A BOUT DE SOUFFLE (1960), dans lequel Godard avait d’ailleurs donné un rôle à Melville…
Sombre dans les images -reflet du monde qu’il décrit-, c’est le must du film noir à la française, un des meilleurs films de gangsters de Martin Scorsese. « Le héros de mes films noirs est toujours un héros armé. Il a toujours un revolver, et je vous assure que c’est un homme qui a tendance à porter un chapeau qui équilibre un peu le revolver au bout de la main. Cela fait partie de l’uniforme», disait Melville. Le prologue du film explique que ‘doulos’ veut dire ‘chapeau’ en argot, et aussi indicateur (en fait, ‘doule’ signifie chapeau et doulos ‘indic’), c’est un hommage au film noir américain (les bars remplacent les bistros parisiens), mais il emprunte certains aspects, comme la narration ou les mouvements de caméra, à la Nouvelle Vague.
Le cercle rouge (1970) Franco-italien de Jean-Pierre Melville ****
Après cinq ans de prison à Marseille, Corey (Alain Delon) est sur le point d’être libéré pour bonne conduite. Le gardien-chef de la prison lui propose une affaire. Libéré, Corey rend visite à son ancien complice, Rico, caïd enrichi, devenu amant de sa petite amie. Corey lui prend une somme d’argent liquide importante nécessaire pour monter son coup. Rico envoie deux de ses hommes aux trousses de Corey. Dans une salle de billard, les hommes de Rico le rejoignent, l’entretien se termine dans le sang. Puis Corey s’enfuit et achète une Plymouth d’occasion puis regagne son domicile dans le 16e arrondissement parisien…
Avec Alain Delon, Bourvil, Gian Maria Volonte, Yves Montand, François Périer, Paul Crauchet, Anna Douking…« Les hommes sont tous coupables. Quand ils naissent, ils sont innocents mais ça ne dure pas longtemps« .
Flics, bandits, indics… Avec la précision d’un entomologiste, « au millimètre près » comme disait Montand, Melville atteint l’apothéose de son art en poursuivant sa description saisissante et quasi-documentaire du milieu des bandits et des flics, entre Marseille et Paris, livrant une observation du milieu parfois sans musique et aux dialogues restreints. Le montage suit différents itinéraires qui se rejoignent, pour arriver à une confrontation finale où tous les personnages sont réunis. Le fameux « cercle rouge », qui assemble dans un karma tragique et inéluctable, des êtres mus par des motivations différentes (le film démarre par une citation de Krishna), le bien, le mal, l’ordre ou le désordre. La séquence du casse dure 25 minutes sans aucun dialogue. Du travail d’orfèvre !
Les sept premières minutes sont également sans dialogues ni musique.
C’est l’avant-dernier film de Melville mais aussi celui de Bourvil, atteint par le cancer. Pour certains, le plus beau rôle de sa vie, à contre-emploi, bien loin de son registre habituel (la comédie). Melville avait à l’origine prévu de faire jouer ce film par Belmondo, Lino Ventura et Paul Meurisse. Mais le choix de Bourvil, en flic tenace et rusé, de Delon, beau truand glacial -comme le décor- et déterminé, Volonte, gangster en cavale et Montand, en ex-flic alcoolo devenu bandit, est bien plus astucieux. Comme dans ses autres polars, Melville narre histoire d’hommes solitaires, qui s’allient ou se combattent, où les femmes ne sont qu’un élément du décor. « Je ne l’ai pas fait exprès, je ne suis pas mysogine, disait Melville lors du tournage, mais en écrivant le scénario, je me suis aperçu qu’il n’y avait pas de place pour les femmes, alors il n’y en aura pas« … Un des plus grands et plus beaux polar du cinéma français des sixties-seventies, qui avec LE CLAN DES SICILIENS, BORSALINO ou LE DOULOS, ont donné ses lettres de noblesse au genre.
Avec 4,3 millions d’entrées en France à sa sortie, le film est un des plus gros succès de Melville. LE SAMOURAI avait totalisé en 1967 1,9 millions d’entrées.

Mireille Darc apparait dans certains génériques comme la fille à la fleur, mais non créditée dans la distribution, serait-ce elle ? Alain Delon l’avait rencontrée sur le tournage de JEFF en 1968.

Premier film d’Anna Douking, qui aura ensuite une petite carrière (14 films) dans le cinéma érotique
Docu rare l’ina / INTERVIEWS DE Melville, Delon, Montand, Bourvil
Le deuxième souffle (1966) de Jean-Pierre Melville
Scénario de José Giovanni
Un malfrat évadé de prison est contacté par une ancienne connaissance pour préparer un coup, un inspecteur de police perspicace et rusé tente de retrouver sa trace, plus déterminé que jamais lorsque le coup a lieu, avec le meurtre de deux motards de la police, il a recours a une ruse déloyale.
Avec Lino Ventura, Paul Meurisse, Raymond Pellegrin, Christine Fabréga, Marcel Bozzuffi, Paul Frankeur, Michel Constantin, Jean Négroni, Betty Anglade
Au début, une évasion de prison, une cavale dans bois, puis on se retrouve dans un cabaret où dansent de jolies filles… ça commence presque exactement comme dans LE CERCLE ROUGE, tourné 4 ans après, et comme dans ce dernier film, c’est une véritable plongée en apnée dans le quotidien des truands et des flics, avec une intrigue qui fait se croiser et rejoindre douze personnages dans un final désespéré et tragique, c’est le procédé narratif cher à Melville. Le deuxième souffle ressemble presque à une répétition pour… LE CERCLE ROUGE. Le cinéma flirte encore plus avec la vérité quand on sait que c’est un ancien truand ayant passé des années en tôle qui a écrit le scénario (José Giovani). Mais un fossé sépare pourtant les deux films, dans le style, LE DEUXIEME SOUFFLE est en noir et blanc et ressemble plus dans sa forme aux polars des années 1950, voire à certains polars américains classiques, aux films de casse aussi, alors que LE CERCLE ROUGE annonce déjà les polars plus sophistiqués des années 1970, avec moins de dialogues et des comédiens pus surprenants, comme Bourvil à contre-emploi ou Yves Montand. LE DEUXIEME SOUFFLE emploie nombre d’acteurs qui ont fait leurs classes après-guerre, voire avant-guerre, et la distribution est un des points forts du film, dominée par un Lino Ventura en imper et lunettes noires, massif et teigneux qui a vraiment la gueule de l’emploi : bandit dur aux abois ayant un sens du code de l’honneur très poussé… qui peut aller jusqu’à tuer des flics s’ils ont employé des méthodes déloyales.
Ce code de l’honneur qui le conduit à sa perte, car pour établir ou rétablir la vérité -un commissaire le fait passer pour quelqu’un qui a trahi ses complices- il va à la mort plutôt que de l’éviter, honneur qui l’amène à affronter ceux -bandits comme flics- qui n’en ont pas et usent de ruses malsaines pour arriver à leurs fins. Il campe donc un personnage entier, loyal et droit, le plus pur d’entre tous, même si c’est un tueur de flics, ce que rappelle un policier dans le récit. La distribution rassemble les personnages comme les différentes pièces d’un puzzle, qui conduit au carnage final, sanglant. La palme de l’interprétation revient sans doute à Paul Meurisse, en flic perspicace et ironique (la scène du début au cabaret), qui à la fin, montre de l’attachement et un respect pour le bandit qu’il traquait, car celui-ci est le plus digne de tous. Tout le cinéma de Melville est là : travellings, voitures américains, argot des flics et des truands, Paris-Marseille, cadrages serrés comme dans les polars américains, truands en chapeau, étirement des scènes de casse ou de braquage (en temps réel), peu de dialogues –LE CERCLE ROUGE ira plus loin dans ce sens-, un monde d’hommes taciturnes et désabusés, enfin, une vague morale qui est un peu la colonne vertébrale du film : « L’auteur de ce film ne prétend pas assimiler la « morale » de Gustave Minda à la morale. » « A sa naissance, il n’est donné à l’homme qu’un seul droit : le choix de sa mort. Mais si ce choix est commandé par le dégoût de sa vie, alors son existence n’aura été que pure dérision » est-il écrit en ouverture.
Pour le rôle d’Orloff, Mel Ferrer avait commencé de tourner des scènes, mais Melville multiplia les remarques désobligeantes, poussant le comédien à abandonner la partie, le rôle fut finalement tenu par Pierre Zimmer… parfait dans le rôle.
Paul Meurisse et Marcel Bozzuffi seront réunis en 1975 dans une autre histoire de José Giovanni, LE GITAN avec Alain Delon (les deux films ont fait plus de 1,7 millions d’entrées).
♦ José Giovanni s’était inspiré pour son roman de personnes qu’il avait connues dans le « Milieu » pendant l’Occupation ou en prison après-guerre. Gu Minda c’est Gustave Méla, dit « Gu le terrible », qui, en septembre 1938, avait réalisé l’attaque du « train d’or ». Condamné, il s’était échappé de prison en mars 1944… comme dans le début du film.